Hier, mardi 17 février - je décide que la tempête de neige, c'est bien - mais qu'il est temps de se remuer un peu dans ce beau pays si j'veux pas finir congeler, ou pire : fossiliser à essayer de comprendre comment je vais réussir mon examen d'art. Solution ultime: départ pour Vancouver. Deux heures de moins qu'à Regina par rapport à la France (encore...) - et plusieurs heures à attendre dans les aéroports. Car n'oublions pas messieurs/dames le facteur imperturbable qui poursuit tout un chacun dans ce genre de moments: la chance (ironie placide). C'est ainsi qu'après que mon deuxième avion soit annulé - puis remplacé, le premier se voit ... retarder! Je suis donc toujours à Regina (heureusement que le chauffeur du taxi jusqu'à l'aéroport était juste trop sympa et avait la tchatche, parce qu'à 8h30 du matin en pleines vacances et après une soirée film entre amis, j'étais, soyons honnêtes, moyennement fraîche) - et cette fois, j'ai plusieurs heures devant moi. Bien sûr, pas de musique sur moi - pour seul bouquin mes révisions (pourquoi? pourquoi?...) - mais, MAIS, attention - les Canadiens ont tout prévu, on peut se divertir avec... un match de curling! Youhouuu! C'est sympa - ça détend, ça assoupit même. Mais faudra que j'emprunte leurs techniques la prochaine fois que j'essaye de nettoyer ma cuisine. Bon, j'finis par décoller (12h51 au lieu de 11h02 - retardé deux fois, c'est un bon score - mais j'm'en fous, j'pars à Vancouveeeeer!!) - et par arriver à Edmonton, en Alberta, une heure de moins que chez moi - et ville natale de mon ami Pranesh! Là, dans l'aéroport, un piano... Une musique... Et une jeune fille qui à elle seule anime de par le rythme de sa voix tous les départs et les arrivés. C'est très beau - et encore quatre heures à attendre, alors je m'assois derrière un palmier (pourquoi?-bis) et attends sagement que l'avion arrive. Bien sûr, y en a trois pour Vancouver qui se suivent - et on m'a refilé le dernier, juste pour pas que j'puisse visiter aujourd'hui... Mon avion finit par arriver et là, c'est le moment où tout le monde se jette littéralement sur la porte d'embarquement - alors que je suis en mode détente maximale - trop d'attente tue la personne qui attend (sommeeeeeeeil!). On s'apprête à décoller dans un blizzard, jamais vu ça, et une tempête de neige de folie... Bah du coup, non, on décolle pas - parce que faut que le monsieur et sa grue ils dégèlent les ailes. J'ai même pas le temps d'y penser que j'suis déjà endormie... J'me réveille parce qu'un type s'est littéralement affalé sur deux sièges à côté de moi et qu'il s'apprête à prendre mon espace vital - non mais oh mec, tu fais quoi là? J'me rends compte qu'on quitte le brouillard, qu'on voit les sommets des montagnes. C'est magnifique... Et soudain, la ville apparaît. Dans la nuit, on distingue juste l'Océan et des milliers de loupiotes orangées. C'est merveilleusement beau. Bon, au vue du bruit que fait l'avion à l'atterrissage, heureusement que je dormais au décollage - il était temps d'arriver. L'aéroport de Vancouver est juste génialissime quand on est, comme moi, passionnée d'art - on découvre plein d'oeuvres aux détours des couloirs, c'est juste fascinant... Beaucoup d'art amérindien de la Northwest Coast - c'est imposant et majestueux (et ça me f'ra réviser un peu, au passage...). Maintenant, direction : la Skyline pour se rendre à Waterfront! J'adore ces trains en hauteur, c'est un peu comme un tramway suspendu, on a l'impression de voler. Et puis, trop bizarre: tu prends un ticket mais toutes les portes sont ouvertes, y a pas de barrière, de grille ou quoique ce soit - ni de policiers. Passons. A Waterfront (un arrêt à noter architecturalement) - j'dois me prendre le bus jusqu'à Adanac (Canada à l'envers) - où m'attend ma logeuse! Une femme d'une cinquantaine d'années, plutôt souriante - qui a première vue à l'air timide (peut-être parce qu'elle ne sait pas à qui s'attendre), mais qui très vite me fait découvrir son appartement, son chat (Liloo), me construit un lit généreux dans son canapé - et me parle cuisine et voyage! Elle adore le vin et me propose un verre - pas de chance - mais on rigole bien, elle me raconte ses escapades au Sénégal, son envie d'partir au Zimbabwe mais sa peur aussi à l'idée de s'envoler, comme ça, toute seule, pour une destination aussi lointaine... Et c'est moi, à 20 ans, qui vais la rassurer? x) . Pourquoi pas, maintenant que je suis là. En tous cas, je note la gentillesse - elle me nourrit, m'offre un toit, tout cela gratuitement (merci coughsurfing) mais quand même... C'est fou quand on y réfléchit.

Mercredi 18 février 2015 - 8h30. Ma logeuse passe et repasse dans le salon où je dors - je suis une véritable pierre, ce pour quoi elle décide de me réveiller. "J'étais persuadée que tu ne dormais plus avec tout le bruit que j'ai fait"... Tant mieux, j'étais pas là pour dormir, alors en avant !! J'décide de renier définitivement le bus et d'attaquer la marche sur Commercial Drive, tout le monde m'a dit que c'était quelque chose à voir à Vancouver - même si à première vue, le nom sonne comme une zone industrielle... Mais quelle surprise! La route est colorée, ponctuée de tags professionnels en rapport avec les magasins et restaurants du quartier. Sous le soleil, et avec cette chaleur apaisante d'un printemps qui n'en est pas un, c'est tellement agréable. J'prends des photos, par ci, par là - et certaines personnes s'arrêtent pour venir me demander d'où je viens, ce que je fais ici. C'est comme ça qu'un vieux monsieur finit par m'accompagner jusqu'à la Skyline, où je me rendais. On a une longue conversation plutôt intéressante - et une fois arrivés, il refuse de me voir payer un ticket et m'en offre un - me lance dans la bonne direction. Les français ont définitivement beaucoup à apprendre des gens d'ici. J'observe par la fenêtre le paysage défilé - c'est encore plus beau que de nuit. J'sais pas trop où j'dois m'arrêter, j'décide de descendre à Main Street, parce que - comme son nom l'indique - ça risque d'être le centre de ce qu'il y a à voir. Je marche un peu donc... Et découvre un parc, gorgé de lumière, de fleurs (les arbres sont en fleurs!), d'oiseaux. Je m'installe et furette les œuvres d'art exposées pour la biennale internationale, avant de reprendre ma route... Et là, l'océan. Et la ville. Et la montagne. Et le centre de sciences. Et toujours le soleil - et la plage. Et ma vie est complète! Ca peut paraître fou mais là où j'habite, il y a plusieurs mètres de neige, du vent et de longues tempêtes depuis quelques semaines - alors avoir ce climat, brusquement, ça change tout, on voit les choses autrement. J'me rends compte que mon manteau est bien trop chaud aussi x) . J'marche donc le long de la baie - mais j'ai envie de prendre le Creek Ferry - alors, prenons le Creek Ferry! J'attends quelques minutes, à peine - et un bateau se présente! Je sais à peine où je vais, j'ai une vague idée, mais je rentre. Le conducteur, un canadien d'à peu près mon âge, me demande où je veux aller - j'lui réponds que je ne sais pas trop - conversation engagée. Il finit par me faire payer un demi-tarif seulement, récupère mon numéro de téléphone et me demande si j'suis intéressée pour un dîner avec lui. Euuuuh... J'ai la sensation tout à coup d'avoir un rencart imprévu, là. Et sur ce, après son départ, pendant que j'attends l'autre ferry, une dame vient me voir: "vous devriez le revoir, il a l'air d'avoir le béguin pour vous - c'est un type bien". Euh oui, mais comment dire? ... Conversation engagée à nouveau, et cette fois tout le nouveau bateau participe, même ceux qui n'ont pas assisté à la scène de "drague" insidieuse. Heureusement, la sortie ne se fait pas attendre x) . J'débarque sur un pan de plage - et cette fois, les nuages cachent le soleil. J'fais un petit tour puis je réalise que la Galerie d'art est encore assez loin, alors je marche, je marche longtemps dans ces rues qui font des kilomètres, ce genre de choses qu'on ne connaît pas en France. Au même titre que les toilettes "genre neutre", les litres de café à toute heure (j'ai vu un type à l'aéroport, qui travaillait là-bas, revenir trois fois en deux heures pour un Starbucks), ou, ah oui, les noms de rue. Qui a inventé ce concept, sérieux? Quand tu marches dans une rue, tu lèves la tête, tu vois un nom de rue - tu te dis, tiens c'est ma rue, mais en fait, c'est celle qui coupe ta rue - le nom de ta rue est inscrit sur la rue qui coupe ta rue - what? Et pareil, les bus... Tu tires sur la ficelle qui est contre la paroi pour que le bus s'arrête, sinon il continue... Un truc de fou. Enfin, j'adore ce pays! Toujours est-il qu'en plein milieu d'un quartier hyper urbanisé tu trouves des églises mixées romanes/gothiques - que parfois un bâtiment semble sortir hors du décor tellement on se demande ce qu'il fait là... Et enfin, la Galerie. Le bâtiment en lui-même est superbe (les photos arrivent dimanche) et à l'intérieur... Une expo temporaire sur - les peintres français! Impossible de se défaire de sa culture, je crois. Nan, si, j'ai sauvé notre réputation à l'aéroport : le seul mec qui grugeait, un français p*** ! Unbelievable! J'ai voulu compenser en étant très très poli avec le monsieur qui vérifiait nos tickets et nos passeports, comme on fait ici. Bref - y avait des artistes canadiens aux autres étages, ça m'a plus marquée. Notamment toute un étage sur la place de l'espace dans leur peinture - particulièrement intéressant. Dans deux autres genres, y avait une oeuvre d'un artiste chinois particulièrement intéressante: Xu Bing, Background Story (Ten thousand Li Mountains and Rivers) ; et un assemblage par Ai Weiwei nommé "Bing". Si vous avez l'occasion de googler ça, vous verrez - ça vaut le coup. J'ai fini par ressortir (et oui, je n'y croyais pas moi-même!) pour tomber sur une patinoire gratuite, que j'ai regardé un moment avec envie, avant de me dire - non, j'vais à Vancouver Lookout, sur un des plus grans skycrapers du monde voir la ville de tout en haut. J'ai donc de nouveau marché un moment, mais haaaan - une fois arrivée, ça valait tellement le coup. Je suis d'ailleurs restée plusieurs heures pour voir le soleil se coucher et la nuit tombée... Pfiou. Impressionnant spectacle. Puis, il a bien fallu que je rentre. J'ai pris un ticket et j'me suis mis en route - direction Anadac. On croise toujours des gens étranges ici dans le bus : hier, un type voulait me vendre une sculpture de corbeau et voulait m'amener à ma banque pour que je lui achète - aujourd'hui, une vieille dame en face de moi murmure des trucs à un sac plastique vide, et un mec se promenant avec sa poubelle pousse des rugissements dès qu'il pose les yeux sur mon bonnet (sur lequel il est écrit "rawr, i'm a dinosaur")... Intéressant. J'finis par arriver, la logeuse m'a prêté les clés parce qu'elle rentrera tard. Je joue donc un peu avec son chat, Liloo. Elle est tellement frenchy pour une canadienne! Dès son retour, elle se met devant un bon verre de vin, me coupe du salami, du bon fromage qu'elle est allée acheter et des asperges fines et salées et nous grignotons tranquillement pendant que l'on discute de mes futurs journées en ville, de son projet de voyage au Zimbabwe, des difficultés de communication entre Cuba et nous (elle a un petit ami là-bas) - on joue avec son chat en parlant de danse. Bref. Une belle journée comme on les aime. See you tomorrow, guys!