Je sais tous à quel point vous avez été déçu de ne pas connaître la suite de mes aventures à Vancouver, ou encore de ne pas avoir plus d'histoires croustillantes sur mon blog concernant mon semestre à Regina. Cependant, j'dois avouer que j'ai été pas mal occupé, la somme de boulot étant tout de même un peu plus conséquente quand tout doit être rédigé en anglais (mais ne t'en fais pas, lecteur, je m'en suis excellemment bien sortie ;D).

Revenons donc sur les traces de mon départ. Hier soir, 23 avril 2015, je tentais encore de tout faire rentrer dans ma valise. Oui, je ne sais pas par quel hasard incongru et inopiné plus rien ne voulait rentrer dans ce fichu espace déjà fichtrement réduit. J'ai donc combattu jusqu'à relativement tard, plutôt désespérément et finalement en vain, puisque j'ai dû me délester de certaines de mes affaires (paix à leurs âmes)... C'est donc après cette défaite/victoire que, rejoignant pour la dernière fois mon lit, je m'allonge et... Un(e) autre coloc' débarque dans sa nouvelle chambre, de laquelle je suis seulement séparée par une cloison de dix centimètres. Et vas-y que j'claque la porte, et vas-y que je bouche et débouche les toilettes, et vas-y que j'rencontre la roommate du Bangladesh et qu'on se met à éclater de rire devant ma porte, et vas-y que je range mes affaires dans la cuisine (casseroles contre étagères = bruits du diable), que j'installe mon petit paillasson et que je ronfle comme un sonneur... Au final, avec le stress du départ, impossible de fermer l'oeil. Mon réveil me rappelle donc à 5h30 qu'il est temps de fermer cette fichue valise et de fuir, de nouveau.

C'est ce moment que je choisis pour partir en oubliant mon chargeur de téléphone, que je courre récupérer en urgence, que le concierge ET l'homme de ménage se mettent à me taper la discut', que je me gourre d'endroits pour rendre les clés, que le taxi n'arrive pas, et que je courre partout avec ma valise de 24 kilos, mon sac à dos, mon sac d'ordinateur, trois écharpes et mon manteau... Zéro pression, vraiment.

J'finis pas arriver à la station de bus, en vie, motivée plus que jamais, même si toujours le coeur pincé par mon départ. En même temps, la plupart de mes amis sont déjà partis quelques jours plus tôt, et j'commençais à me sentir bien seule abandonnée dans ma tour. Le bus en direction de Saskatoon est quasiment vide. Trois mamies qui font un voyage entre copine, une femme enceinte, un étudiant qui rentre chez lui, et un mec louche qui déballe un Burger King à deux sièges de moi à 8h du matin. 

Ma prof de costume m'avait dit qu'elle avait choisi de vivre dans les Canadian Prairies parce qu'il y avait un espace immense propice à ce sentiment de liberté qui crée un épanouissement individuel nouveau. Je comprends maintenant de quoi elle voulait parler. Je regarde le paysage défiler, et si les routes sont bien faites, aux alentours, il n'y a que du vide. Attention, pas un vide vacant et absolu, non, non, l'absence de vie humaine et une nature qui a repris tous ces droits. Des champs, de l'herbe, du plat à perte de vue, des petits lacs, et perdus au milieu de ces étendues vastes de temps en temps une habitation, un village de quatre maisons (littéralement). C'est beau, et je développe une sorte de fascination pour tous ces endroits abandonnés qui défilent sous mes yeux, ses maisons délaissées, parfois à moitié effondrées, ou ses villages fantômes bel et bien incarnés mais si paisibles, si calmes. Mais au lieu de me donner cette impression de liberté infinie, j'ai davantage une sensation de vertige fulgurant qui s'installe en moi. Comme s'il n'y avait pas de fin à ces paysages, comme si jamais sous les yeux une version de l'univers en perpétuelle expansion. Non pas que je n'apprécie pas l'idée, mais ça me met brutalement mal à l'aise, comme une réalité difficile à encaisser. Oui, cela existe encore des espaces quasiment désertés par l'homme. C'est aussi merveilleux que terrifiant.

J'atteins finalement mon but, Saskatoon. Je disais à mon amie d'enfance, Anaïs, il y a quelques jours que je n'avais jamais vu la pluie canadienne. C'est chose faite, elle est arrivée en même temps que moi. Mais c'est une pluie légère, qui salue les passants et les caresse, rien à voir avec la pluie que l'on a en France. Je n'ai que quelques minutes à attendre (au téléphone avec Pranesh) et mes hôtes débarquent à l'arrêt de bus pour me récupérer. Bonjour Melissa (et oui, chère cousine, j'ai rencontré ton homologue canadien!), ravie de te rencontrer. Bonjour... Guillaume? Mais ce serait pas un peu Français, ça? Tu viens de Chambéry? Ça fait un an que t'habites ici? Mince alors, la coïncidence de fou quoi! Et oui, les amis. Sans le vouloir, j'ai donc retrouvé un congénère, de l'autre côté du globe. Mais entre nous, on continue à parler anglais, une seconde nature j'imagine. Cet homme a rencontré Melissa lors d'une expérience de couchsurfing, ils se sont revus plusieurs fois lors de leurs voyages respectifs et ont finalement décidé de s'installer ensemble ici, dans la ville d'origine de Melissa il y a un an. Belle histoire, non? Ils sont tout bonnement adorables. On a cuisiné tous ensemble un bon déjeuner, rien d'extravagant mais juste de la nourriture saine et bonne comme j'avais oublié en ces récentes périodes d'examens qu'elle pouvait exister. J'apprends à les connaître, je découvre tous les endroits où ces deux-là ont pu aller: Melissa a fait un tour d'Europe d'un an seule, juste avec un sac-à-dos et a visité pas moins de 35 pays sur place, juste en vivant chez des locaux. Elle a également fait l'Amérique centrale, et un bout de la Russie - ce qui pour moi, ressemble plus ou moins à avoir accompli les trois quarts du rêve de ma vie. Guillaume a plus ou moins parcouru la moitié de la planète, essentiellement Europe et Amérique, mais tout en s'attachant à la performance sportive avec son fidèle vélo... Et ils viennent tout juste de se fiancer!

Ils m'apprennent dans la foulée que malheureusement, Guillaume devant se rendre dans la famille de Melissa et Melissa ayant eu son emploi du temps (elle est infirmière) et travaillant douze heures par jour samedi et dimanche, ils ne pourront pas vraiment me montrer la ville... Ils ont l'air sincèrement désolé, et avec toute la générosité dont ils font preuve (ils partagent leur nourriture, une chambre, une maison et un jardin avec moi), ils m'expliquent qu'ils ont une solution. Ni une, ni deux, sans vraiment réfléchir, je décide d'aller accomplir mon petit repérage personnel, attrape une carte au passage, enfourche un vélo qu'ils me prêtent gentillement et m'embarque sur les routes! C'qui est plutôt pas mal, c'est qu'il y a un itinéraire exprès pour les vélos, pratique! Je m'arrête régulièrement, fascinée par l'architecture des maisons canadiennes, par les endroits et les objets visiblement abandonnés, par ces petits détails du quotidien que personne n'observe. J'aime voir la ville s'agiter, les gens vivre - et regarder, analyser, m'émerveiller. Je décide finalement de me rendre jusqu'à la rivière Saskatchewan qui a donné son nom à la province. Elle est entourée de ponts, de cabanons, de bancs, d'animaux, d'hommes et je m'amuse à contempler tout cet écosystème dans l'équilibre qu'il a sû trouver. 

Mon "anywhere travel guide" m'indique pour la journée de faire attention à la façon dont les reflets changent ma perception du monde: eau, fenêtre, miroir... Les ondes m'appellent, les réflexions des bâtiments me renvoient ce que je suis, ce à quoi je ressemble, ce qui finalement importe peu puisque je suis seule, et que je suis anonyme dans la ville.

Je finis par rentrer en fin de journée, épuisée de n'avoir pas dormi la veille, et d'avoir arpenter la ville. Mes premières ampoules, mes premiers thés. Il ne faut pas oublier que si le soleil a montré de temps à autre sa tête, le vent, cet incroyable ennemi du baladin, est visiblement indétrônable de son rôle naturel dans ce pays. Pour votre divertissement messieurs, dames, sachez qu'on prévoit de la neige pour demain. Melissa arrive quelques minutes plus tard, et m'annonce que Guillaume est bel et bien parti pour le week-end. Maaaaais... une amie à elle qui habite juste à côté, apprend le français et est aussi sur Coughsurfing va venir dîner avec nous pour me rencontrer parce qu'elle adorerait me faire découvrir la ville comme mes hôtes ne seront que peu présents finalement... Youhouuuu! On a à peine le temps de se mettre à la cuisine que Rachelle arrive... Une boule d'énergie, de sourire et d'enthousiasme! Adorable, polie, toujours en train de rire. Un vrai bonheur. On décide finalement d'utiliser le barbecue qu'ils ont dans le jardin. La soirée se finit avec du chocolat ramené de France et un bon thé chaud, j'me sens chez moi.

Bilan: j'ai encore appris de nouveaux mots aujourd'hui, on peut trouver des cordons bleus au Canada, les rues sont pleines d'arts graphiques disséminés un peu partout dans la ville (est-ce propre à ma région? je le découvrirai très prochainement) et tout le monde est d'accord pour dire que le fromage canadien est vraiment "shitty".

Sur ce, chers lecteurs, je vous dis à demain pour de nouvelles aventures! N'oubliez pas de revenir, j'ai déjà une idée de ce qui m'attend demain, et ça va être énorme ;).