Avouez, j'vous avais manqué. Il est temps, après ces quelques premiers jours à Regina, de faire un point sur les nouvelles découvertes que j'ai pu faire au Canada. Bon, j'vous concède la fait que j'suis toujours en train de rattraper le décalage horaire auquel je ne suis toujours pas habituée, et à 20h, mon corps réclame son lit à bras ouverts ... Mais j'ai du boulot, moi ! Et oui, déjà. Pour reprendre du début (flashback) : il y a eu le dimanche 4 janvier, où je n'ai (très honnêtement) pas fait grand chose. J'me suis reposée, j'ai fait un tour rapide de la résidence, histoire d'être au point sur les connaissances nécessaires de base (où faire une machine à laver, où trouver un sandwich en cas d'urgence etc.), et puis j'ai fini mon dernier devoir pour la France, une hypothèse de lecture. Le prof m'avait oubliée, il était donc parti pour me laisser avoir un joli zéro comptabilisé pour l'obtention de ma licence quand je lui ai rappelé que je n'avais toujours pas mon sujet, à quelques jours de ma rentrée dans le Nouveau Monde, et que je m'inquiétais un peu ... Petit chenapan. J'ai donc dû lui improviser un commentaire de texte sans le livre, en quelques heures, histoire de rendre tout ça dans les temps (avec le décalage horaire, et vous qui êtes dans mon futur, c'était un peu chaud, je dois dire...). Toujours est-il qu'après ça, j'ai refait dodo.

Le 5 janvier (jour de l'anniversaire de ma Marie, ouiiiii!) - c'était le début des choses sérieuses : la journée d'orientation. Ca a commencé avec un petit déj' canadien (pancakeeeees!!) gratuit, autour d'une table qui réunissait les nouveaux arrivants de notre département (art power pour moi, of course) et quelques élèves habitués des lieux, chargés de nous guider et de nous rassurer. Ici, j'peux vous dire, c'est la bonne ambiance dès le matin : musique à fond dans les couloirs, les gens sont trop au taquet, ils vous posent plein de questions, sont trop heureux de vous accueillir ... Moi ? J'ai la tête dans l'cucul, dans l'brouillard - mais j'apprécie. Le directeur fait le tour des tables, vient nous demander nos noms et nous poser à chacun des questions. J'ai eu l'droit à des questions basiques sur la France (parce que, comme vous pouvez l'imaginer, ici, y a pas beaucoup de français) : pourquoi on fait du fromage qui sent pas bon ? (parce que c'est les meilleurs...) est-ce qu'il fait froid en hiver chez nous ? (areyoukiddingme? il fait -25° voire plus chez toi mon pote, réveille-toi, y a que dans le Saskatchewan qu'il fait aussi froid...). Enfin bref, c'était gentil de sa part d'essayer d'avoir un petit contact avec tout le monde. Puis, c'est la visite des locaux. Je découvre un vrai campus à l'américaine, hyper grand, avec tout ce qu'il faut à l'intérieur pour survivre ! En gros, tous les bâtiments forment un cercle et sont reliés les uns aux autres pour ne pas qu'on ait à sortir dehors (à l'exception de deux bâtiments, ceux où j'ai la plupart de mes cours, mais ça, je ne le sais pas encore...). J'ai enfin une vraie bibliothèque qui ne ferme pas la nuit, des amphithéâtres remplis de monde, un théâtre pour nous tout seuls (et une piscine et une salle de gym aussi) ! Et le meilleur de tout, c'est que j'ai juste à ouvrir la porte de mon appartement pour y être, si c'est pas beau ! - Un peu plus tard dans la journée, j'ai retrouvé la fille qui m'avait aidée la veille à trouver mon appartement. Elle s'appelle Elena, elle est d'origine ukrainienne, mais elle vit en Italie - et elle est très pétillante et bavarde, j'adore ! On se ressemble un peu physiquement, et dans notre façon de s'habiller, alors on nous appelle les "twins". J'retrouve aussi le garçon qui était avec elle la veille, Roman, ukrainien lui aussi. On rencontre un tas de gens, on arrête pas de parler, c'est super ! Enfin, toujours aucune nouvelle de mes coloc', ça commence à devenir inquiétant ... Et pire, je n'ai toujours pas de vraie nourriture pour cuisiner. Bon, j'vais trouver une solution.

Le soir, parce que c'est la semaine des nouveaux arrivants alors y a plein d'activités, on décide d'aller voir le groupe d'improvisation théâtrale de l'université qui donne une représentation dans le petit théâtre. AWESOME ! Ces gens sont tellement drôles, ils savent tellement toujours quoi dire, quand - j'suis bluffée ! Bien sûr, ils ont fait activement participé le public, j'crois qu'on y est tous passé en fait. C'était marrant. (Et puis, il y a de la nourriture gratuite. Il y a toujours de la nourriture gratuite partout ... J'aime ce pays!)

Le lendemain, 6 janvier. Il est temps de démarrer les cours. Mais avant, petit détour par la "Multipurpose Room" de Riddell Centre Building. Pourquoi? Il y a un petit déjeuner gratuit, évidemment ! Pancakes et saucisses au programme, tout ce que j'aime !! Puis, j'décide de me rendre un peu en avance en cours, histoire de ne pas arriver en retard si je ne trouve pas les bons bâtiments et les bonnes salles de cours du premier cours ... Ca veut dire qu'il faut que je sorte, là. J'prends une grande respiration, mes trois écharpes que je monte jusqu'au dessus du nez, mes deux bonnets, mon collant, mes chaussettes de ski, mes chaussures de compèt, mon manteau de montagnard de l'extrême, je pousse la porte ... Du vent. Oh non, c'est pas possible, y a du vent ... Et zip ! Du verglas aussi. La tête en avant, j'avance, décidée. Je dois trouver cette maudite salle de classe où je vais mourir congelée dans deux minutes. Une minute, trois minutes, cinq minutes de marche ... J'crois que j'ai perdu mes cils. Peut-être un oeil. J'ai mal aux joues tellement il fait froid. J'atteins une porte. La bonne - enfin! C'est dans ce genre de moments de détresse ultime que tu entends un prof passer dans les couloirs et dire à un de ses collègues : "t'as vu, le thermomètre dit qu'il fait -25°, mais quand j'le mets dehors, avec le vent, et bah, il indique 10 degrés de moins, c'est fou, non?". Oui, c'est fou, en effet ... Toujours est-il que ma classe d'introduction à l'art indien nord américain est absolument génial ! La prof est trop sympa (beaucoup moins stricte qu'en France aussi sur la politesse, on doit l'appeler "Barbara" et non madame par exemple) - et c'est une artiste. Alors quand on entre en cours, elle écoute de la musique "amérindienne" à fond en hurlant que c'est absolument grandiose. Ca me fait rire. Toujours est-il que quand il a fallu sortir, faire demi-tour, et trouver un autre bâtiment pour mon prochain cours, en me dépêchant de préférence, et en devant de nouveau sortir dehors ... J'me suis dit que c'était au dessus de mes forces. C'est pourquoi ... J'ai couru. Mais littéralement comme une dératée. J'crois même que j'devais hurler pour me donner du courage. J'suis rentrée dans le premier bâtiment que j'ai vu (le bon, heureusement) - et j'ai demandé un sandwich et des bagels, direct. Ah non, mais c'est pas possible, il fait trop froid, il faut manger pour se réchauffer. Le pire, c'est quand t'arrives devant ta salle de cours, que tu discutes un peu avec tes futurs camarades et que tu te rends compte que -oh joie!- le cours est annulé. QUOI ? ARE YOU KIDDING ME ?? J'me suis congelée les miches dans le froid et habiller comme un cosmonaute pour qu'un habitué du frigo s'déplace même pas pour saluer mon exploit. Nan mais oh ! Enfin bon. Du coup, j'ai fait demi-tour, j'ai re-bravé le froid pour cette fois rentrer me mettre au chaud. Et puis, si le cours que j'ai eu était passionnant, il n'en reste pas moins que 1) je ne connais pas grand chose ni à l'histoire américaine/canadienne, ni à leur culture en général 2) que je n'ai jamais fait de essay en anglais, ni un travail de recherche type master comme on me demande de le faire 3) que ... ah ok, aucun des sujets proposés ne me dit quelque chose. Panique dans mon oeil gauche ... Du coup, j'cours acheter les manuels scolaires qu'on m'a demandé d'avoir - et je rentre travailler tout ça. Normalement, on avait tous rendez-vous à 18h30 parce qu'il y avait une sortie patinoire organisée sur le lac de la ville - ça avait l'air chouette. Et puis, ça a été annulé à cause du vent, et du fait qu'il fait nuit à cette heure, et j'vous raconte pas la température qu'il fait dehors à ce moment-là. Du coup, finalement, Roman est venu me chercher quand même, mais pour me montrer la salle de cinéma/télévision de mon étage, et on a commencé à papoter. Comme j'avais faim (et toujours pas à manger...), on est allés dans son appart' écouter de la musique ukrainienne, manger, et regarder son balcon (pas longtemps, parce qu'encore une fois, on congèle dehors... et j'ai manqué m'étaler comme une bonne vieille crêpe trois ou quatre fois). Après, ses coloc' sont arrivés, et on a tous bien sympatisé, c'était chouette - surtout qu'il y en a un qui fait des films, et qui a voulu un peu nous montrer ses oeuvres. Ils sont sympas comme tout. J'ai fini par décoller, et par rentrer chez moi - et oh miracle! J'ai rencontré mes propres colocataires ! Youhouuuu ! Toutes ces choses ne se déplacent donc pas toutes seules dans cette appartement, des gens sont là et les font bouger ! Nan, là j'suis méchante, mais pour être honnête, elles sont adorables. Enfin, il y a un type au milieu de cette histoire, qui n'a pas l'air de se plaindre, mais on ne fait que l'entendre, on ne le voit jamais - et comme il est de l'autre côté de l'appartement par rapport à moi, je n'aurais probablement sûrement jamais affaire à lui. Mais bon, après inspection (sans vraiment le vouloir) de la poubelle, je peux vous assurer que je ne sais pas comment ces gens font pour rester visuellement acceptables (il y a actuellement des restes de pâtes au fromage, ou de fromage à pâtes je sais pas trop qui nagent dans de l'huile sur le dessus des déchets - ça donne pas envie, j'vous assure).

Mercredi 7 janvier. Aujourd'hui, quoi. Ce matin ? Des bagels - et un cours d'introduction aux techniques du costume de théâtre, juste impressionnant. L'atelier est juste immense, il y a des costumes, des dessins de costumes, du matériel partout ; des décors de scène aussi ! Bref, c'est juste extraordinaire, et j'ai l'impression d'avoir de nouveau quatre ans. Tous ces chapeaux ...Wahou. Après des débuts difficiles sur les machines, je m'améliore vite et la prof est plutôt contente de mon travail, je ne suis pas retard, je suis presque flattée. Surtout que - qui sait dire "coudre", "fil", "aiguilles" en anglais ? Hein ? Et même si vous savez ça, est-ce que vous seriez capables de comprendre absolument tout pour fabriquer un patron, faire une maquette, réaliser des croquis, faire le costume ? Si oui, alors, vous êtes beaucoup plus forts que moi, même si je l'ai fait x) . Je comprenais parfaitement ce qu'elle expliquait, mais j'étais incapable de réutiliser les mots, c'était la première fois que je les entendais pour la plupart. Aussi, de retour dans ma chambre : vocabulaire et épluchages de tous les documents donnés pour apprendre tout ça. Et j'ai donc deux projets de plus à rendre d'ici la fin du semestre. C'est vraiment très enthousiasmant, et en même temps, ça fait peur - parce que ça va me demander deux fois plus de travail qu'un étudiant normal ici (ah oui, parce que je vous ai pas dit, mais il n'y a pas d'autres étudiants internationaux, j'veux dire, dans aucun de mes cours - je suis donc seule à avoir des difficultés de ... langage). J'suis prête à le faire, et j'espère que les résultats seront à la hauteur. Ici, tout le monde est gentil, et me dit que j'ai largement le niveau, et que ça va le faire. Pour le moment, j'essaye de les croire. J'ai donc travaillé toute l'après-midi, skypé la famille avant - et puis, l'heure du bus gratuit a sonné. Il était temps pour moi d'affronter la ville, et surtout - d'aller faire des courses, bon sang ! Du coup, avec Elena, on s'est retrouvés toutes les deux dans un bus jaune pour scolaires avec de la musique rock à fond à l'intérieur - direction Regina Centre ! C'était bien sympa, la conductrice du bus était ravie d'avoir des passagers, alors elle nous faisait partager sa joie de vivre ! J'dois quand même vous dire ma déception de voir que le lieu le plus proche du campus à pied est un McDo ... Mais bon.

Commence l'épisode des courses, et là, j'dois vraiment vous faire partager ce que j'ai vu. Parce que c'était à la fois plutôt normal - et à la fois assez terrifiant. Déjà, il y a des sauces partout. PARTOUT. J'veux dire, dans tous les rayons. Bon, ce qui est rassurant, c'est que quand on arrive, on tombe sur le rayon fruits et légumes, et qu'on trouve à peu près de tout (des fraises - why?) sauf ... des courgettes et des aubergines. Même en surgelés. On dirait que ça n'existe pas ici. Ils ont énormément de pomme de terre, de chou-fleurs, de choux, de navets ... Des pommes, des bananes, des cranberries ... Et puis, des légumes bizarres que je comprends pas ce que c'est, des espèces de carottes toutes pâles et toutes tordues ... Et ils ont de ces patates douces ! INCROYABLEMENT ENORMES ! On continue dans les allées, et je crois sincèrement qu'on peut acheter tout et n'importe quoi surgelés. Tellement n'importe quoi, que parfois, je ne comprends pas ce qu'il y a à l'intérieur de la boîte ... Alors, je repose doucement, comme une bombe à retardement x) . Il y a beaucoup de porc, ça c'est cool. Mais beaucoup trop de saucisses dans les rayons - on veut de la vraie viande, nous ! Han, des soupes en boîte de conserve. J'avais jamais vu ça. Et tout est si cher ... Du genre, impossible d'acheter du riz ici - il faut vider ton compte en banque ! Et ne parlons pas du fromage, c'est pas qu'il n'y en a pas, c'est que si tu veux un camembert, tu dois le payer 8$ ! ... On a pas trouvé de poivre non plus (trop bizarre...). Et puis, il y a des rayons entiers, mais genre plusieurs, de gâteaux, de sodas, de bonbons, de muffins, de cupcakes ... Et de trucs à grignoter, genre chips. Impressionnant - et intéressant, on voit vraiment la différence de culture (ce qui est trompeur parce que sur tous les produits, on a les étiquettes en anglais ET en français). Mais enfin, au final, j'ai des aliments équilibrés dans mon caddie, je ne vais pas mourir de faim, c'est tout ce qui compte, non ? L'avantage de n'être que deux à utiliser le bus gratuit, c'est que la conductrice a pu se rapprocher au maximum de l'entrée du magasin, ce qui nous a permis d'éviter de courir sur le verglas avec nos cent cinquante sacs sur le dos, qu'on a pu étaler un peu partout dans le bus, c'était chouette. 

Ce soir donc, je travaille, rien de particulier - mais demain, cours et puis soirée films avec le reste du campus (popcorn gratuit, il suffit d'amener un bol et on nous le remplit!) - suivi d'une soirée Trivial Pursuit, ça risque d'être bien drôle x) . J'vous tiens au courant, les amis !